Faut-il passer en société ?

Travaillant seuls, beaucoup d’entrepreneurs exercent leur activité en entreprise individuelle. Très simple et peu formaliste, ce statut présente néanmoins des inconvénients (risques sur le patrimoine privé, frein au développement de l’entreprise, transmission difficile…) qui amènent certains à s’interroger sur l’opportunité de passer en société. Une bonne raison de faire le point sur les principaux effets d’une telle opération.

Une responsabilité limitée

En constituant une société à risque limité, l’entrepreneur ne devra contribuer aux éventuelles pertes de la société que dans la limite des apports qu’il a consentis à la société en tant qu’associé.

Mettre ses biens personnels à l’abri des risques économiques de son activité constitue l’une des raisons majeures qui peuvent conduire un entrepreneur individuel à faire le choix de transformer son entreprise en société. En effet, son patrimoine et celui de son entreprise ne faisant qu’un, il peut se retrouver, en cas de difficultés, à devoir rembourser ses créanciers professionnels avec ses biens personnels.

À l’inverse, une société est une structure juridique propre qui possède un patrimoine distinct de celui des associés, ce patrimoine social constituant, dans la plupart des cas, le seul gage des créanciers professionnels. Ainsi, en constituant une société à risque limité (EURL, SARL, SAS), l’entrepreneur ne devra contribuer aux éventuelles pertes de la société que dans la limite des biens qu’il lui aura apportés.

Cette protection patrimoniale a toutefois son revers : faute de garanties suffisantes, les banquiers peuvent être réticents à accorder leur concours à une société. Aussi, très souvent, demandent-ils au dirigeant (associé) de se porter caution pour elle en contrepartie de l’octroi d’un crédit. Ce qui atténue évidemment les effets de la limitation de responsabilité.


Penser aussi à l’EIRL : plutôt que créer une société, l’entrepreneur individuel qui veut protéger son patrimoine personnel a la faculté de se mettre en « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » (EIRL). Ce statut lui permet en effet d’affecter à son activité professionnelle les biens qui sont nécessaires et utiles à son exercice. Intérêt du dispositif : en cas de difficulté, seuls les biens affectés, et pas ses biens personnels, pourront faire l’objet de poursuites de la part de ses créanciers professionnels.

Le choix d’une forme de société

Trois types de sociétés sont plus particulièrement adaptés aux besoins de l’entrepreneur individuel qui souhaite adopter la forme sociétaire.

D’abord, la société à responsabilité limitée (SARL), structure bien connue qui présente de nombreux atouts : un fonctionnement simple, une responsabilité des associés limitée au montant de leurs apports et un capital librement fixé. Elle peut être choisie par celui qui souhaite s’associer avec une ou plusieurs autres personnes.

Ensuite, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), variante de la SARL composée d’un seul associé, en l’occurrence l’entrepreneur. Elle est facilement transformable ensuite en SARL par simple cession de parts sociales.

Enfin, la société par actions simplifiée (SAS), qui connaît un succès grandissant, en particulier en raison de la liberté dont les associés disposent pour déterminer les modalités d’organisation et de fonctionnement de leur société. Comme dans la SARL, la responsabilité des associés y est limitée. Et aucun montant minimal pour le capital social n’est exigé. Elle aussi ne peut être constituée que d’un seul associé (on parle de « SASU »).

À noter que le statut social du dirigeant de société dépendra de la forme sociétaire choisie. En EURL ou en SARL, l’entrepreneur continuera, en tant que gérant associé unique ou associé majoritaire, à relever du régime social des travailleurs indépendants. En revanche, dans une SAS, il sera, en qualité de président, assimilé à un salarié et bénéficiera donc du régime de Sécurité sociale des salariés (hors assurance chômage).


Remarque importante : outre les formalités (rédaction des statuts, immatriculation, publicité des actes…) à accomplir (et leur coût) au moment même de la transformation de l’entreprise en société, la société est astreinte, au quotidien, à un formalisme plus lourd que celui d’une entreprise individuelle : publication des comptes, tenue d’assemblées générales des associés, tenue d’un registre des décisions de l’associé unique dans les EURL et les SASU, modification des statuts lors de certains changements, etc.

Un changement fiscalement coûteux

Le passage en société n’est pas sans incidence fiscale.

Un changement de mode d’exploitation entraîne, en principe, l’imposition des plus-values latentes sur les éléments de l’actif, et notamment de l’accroissement de valeur du fonds de commerce ou de la clientèle.

Toutefois, en cas d’apport d’une entreprise individuelle à une société, un régime de faveur optionnel permet d’étaler, voire de différer temporairement ces conséquences fiscales. Ce régime avantageux prendra néanmoins fin lors de la cession des titres de la société.

Et lorsqu’un entrepreneur apporte son entreprise à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, il est, en principe, également redevable de droits, assis sur la valeur de l’immobilier, du fonds de commerce ou de la clientèle essentiellement, au taux de 3 % ou de 5 % selon les cas. Mais il peut y échapper en souscrivant un engagement de conservation des titres de la société pendant 3 ans.

Un régime fiscal parfois avantageux

Selon la forme choisie, la société sera soumise à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

Relever de l’impôt sur le revenu

Si l’entrepreneur opte pour l’EURL, le résultat qu’il dégagera sera, comme auparavant, imposé à l’impôt sur le revenu, selon le barème progressif, dans la catégorie d’imposition dont relève son activité, à savoir les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les bénéfices non commerciaux (BNC) ou les bénéfices agricoles (BA). À noter toutefois qu’il peut opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). Attention, cette option est irrévocable.

S’il crée une SARL, il peut également être soumis à ce régime d’imposition. À condition toutefois qu’elle soit exclusivement détenue par des membres de sa famille et qu’il exerce une option en ce sens. Dans ce cas, son assiette imposable ne dépendra pas des sommes qu’il aura effectivement appréhendées mais de la quote-part de résultat qui lui reviendra en raison de son pourcentage de participation au sein de la société.

Relever de l’impôt sur les sociétés

Si l’entrepreneur décide de constituer une SARL (sans opter pour le régime exposé ci-dessus) ou une SAS, les résultats de sa société seront alors imposés à l’IS au taux de 33,1/3 % ou, sous conditions et à hauteur de 38 120 € uniquement, au taux de 15 %.

De son côté, il sera imposé sur les rémunérations que la société lui versera en qualité de dirigeant, en principe dans la catégorie des traitements et salaires. Parallèlement, la société pourra, sauf exceptions, déduire de son résultat ces rémunérations.

L’avantage du régime de la taxation à l’IS réside dans le fait que l’entrepreneur ne sera imposé à titre personnel sur le résultat de l’activité qu’à hauteur des sommes qu’il percevra effectivement sous forme de dividendes. Si le bénéfice réalisé n’est pas distribué mais réinvesti au sein de la société, il ne sera pas imposé personnellement sur celui-ci.

Article du 04/12/2013 - © Copyright Les Echos Publishing - 2013