Démembrement de propriété et droit de préemption de la Safer

La vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un terrain agricole à deux personnes distinctes est soumise au droit de préemption de la Safer.

Les situations dans lesquelles le démembrement de propriété est utilisé pour contourner le droit de préemption de la Safer ne sont pas rares. Une affaire récente nous en donne un nouvel exemple.

Ainsi, un couple avait, dans le même temps, vendu l’usufruit de parcelles de terre lui appartenant à une personne et la nue-propriété de ces parcelles à un groupement foncier agricole. La vente n’ayant pas été notifiée (mais seulement déclarée) à la Safer, cette dernière avait demandé en justice l’annulation de l’opération au motif que son droit de préemption n’avait pas été respecté.

Elle a obtenu gain de cause, les juges ayant réaffirmé que la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’une parcelle, même au profit de deux personnes distinctes, constitue, en fait, une vente de la pleine propriété de celle-ci. Et qu’en conséquence, l’opération considérée était soumise au droit de préemption de la Safer.

À noter que si les juges ont annulé la vente, ils ont refusé de substituer la Safer à l’acquéreur, ainsi que cette dernière le leur avait demandé. En effet, le notaire avait envoyé à la Safer une déclaration d’opération exemptée du droit de préemption et non une notification valant offre de vente. La substitution n’était donc pas juridiquement possible.


Précision : cette décision a été rendue à une époque où la Safer ne pouvait pas exercer son droit de préemption en cas de vente de la nue-propriété ou de l’usufruit d’un terrain agricole (sauf fraude). Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, elle peut exercer son droit de préemption en cas de vente de l’usufruit d’un bien agricole. Et en cas de vente de la nue-propriété, elle bénéficie de ce droit seulement si elle en détient l’usufruit ou est en mesure de l’acquérir concomitamment (donc lorsque la nue-propriété et l’usufruit sont vendus simultanément).

Cassation civile 3e, 31 mai 2018, n° 16-25829

Article du 26/06/2018 - © Copyright Les Echos Publishing - 2017