Entreprise en difficulté : quel sort pour la substitution d’un gage pendant la période suspecte ?

Un gage modifié par une entreprise en difficulté pendant la période suspecte n’est pas nul s’il n’est pas supérieur, dans sa nature et dans son assiette, à celui d’origine.

À partir du moment où une entreprise est en état de cessation des paiements, elle ne peut plus valablement accomplir certains actes. À ce titre, la loi prévoit la nullité de certains actes conclus pendant une certaine période, dite suspecte, car il est à craindre que pendant cette période, l’exploitant, se sachant acculé, ne cherche à dissimuler une partie du patrimoine de l’entreprise ou encore à favoriser un créancier au détriment des autres.


Rappel : est appelée période suspecte, la période qui s’écoule entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Ainsi, le gage qui serait constitué, sur ses biens, par une entreprise en difficulté pendant la période suspecte, pour des dettes antérieurement contractées, serait nul. Mais serait-ce également le cas de la substitution, opérée pendant la période suspecte, de nouveaux biens à ceux initialement gagés ?

Ainsi, dans une affaire récente, une entreprise de construction et de location de bateaux de plaisance avait consenti à une banque, en garantie du paiement du solde débiteur de son compte courant, un gage portant sur 6 moteurs de bateaux. Trois mois plus tard, elle avait procédé à la modification du gage en substituant deux nouveaux moteurs à deux des moteurs initialement gagés. Par la suite, la société avait été mise en redressement puis en liquidation judiciaires, la cessation des paiements ayant été fixée par le tribunal à une date antérieure à celle de la modification du gage. Soutenant que cette modification constituait un nouveau gage consenti pendant la période suspecte, le liquidateur avait alors demandé la nullité de cette garantie.

Mais la Cour de cassation n’a pas fait droit à cette demande. En effet, elle a relevé que la substitution opérée par l’entreprise « ne conférait pas à la banque un gage supérieur, dans sa nature et dans son assiette, à celui initialement consenti ». Autrement dit, la substitution d’un gage n’est nulle que si elle confère au créancier un gage supérieur à celui initialement consenti.

Cassation commerciale, 27 septembre 2016, n° 15-10421

Article du 08/12/2016 - © Copyright Les Echos Publishing - 2016